Le nombre d’animaux domestiques et l’argent que leurs propriétaires dépensent pour eux n’ont cessé d’augmenter ces dernières années. De quoi faire les affaires des entreprises qui, aux quatre coins du monde, se sont spécialisées dans ce segment.
Par Bertrand Beauté
Près de 2 millions de chats, 550’000 chiens, 500’000 rongeurs, 300’000 oiseaux et beaucoup de poissons : pas de doute, les Suisses aiment les animaux de compagnie. Actuellement, près d’un ménage sur deux en possède un, d’après les derniers chiffres de la Société pour l’alimentation des animaux familiers. Une proportion en forte hausse ces dernières années, en particulier pour les félins et les canidés. " Pour les investisseurs, le marché des animaux de compagnie se résume aux chiens et aux chats, précise Jack Neele, Portfolio Manager chez Robeco. Les autres animaux sont anecdotiques. " Selon Identitas, le spécialiste suisse des données relatives aux animaux, le nombre de chats enregistrés dans le pays a augmenté de presque 150% entre 2016 et 2024 et le nombre de chiens de plus de 13% sur la même période.
" La Suisse n’est que le reflet d’une tendance mondiale : le nombre d’animaux de compagnie augmente partout dans le monde ", souligne Christoph Wirtz, Portfolio Manager chez Rothschild & Co Wealth Management. Sur les vingt dernières années, la croissance moyenne du secteur dépasse les 5% par an et la tendance devrait se poursuivre. D’après Bloomberg Intelligence, le marché mondial atteindra 500 milliards de dollars à l’horizon 2030, contre 320 milliards actuellement.
C’est que l’offre s’étend aujourd’hui bien au-delà de la nourriture, qui représente déjà moins de la moitié du marché en 2023 (44%), selon l’American Pet Products Association (APPA). Ce marché diversifié inclut des jouets et des accessoires de plus en plus high-tech : chatières connectées, puces implantées, gamelles intelligentes pour contrôler les portions de nourriture, ou encore colliers équipés d’une webcam et d’un traceur GPS. En parallèle, le secteur de la santé animale s’impose comme une composante lucrative, avec la demande croissante pour les soins vétérinaires, les produits pharmaceutiques, et les assu-rances pour animaux.
Fait notable, le marché des animaux domestiques se montre en outre particulièrement résilient : " Même pendant la crise économique de 2008-2009, ce secteur a continué de croître, souligne Jack Neele, Portfolio Manager chez Robeco. On pourrait penser qu’en période de récession, les gens diminuent leurs dépenses pour les animaux, mais ce n’est pas le cas. Ils vont préférer aller moins au restaurant, par exemple. " Quant à la crise du covid, elle a carrément fait les affaires du secteur : durant la pandémie, l’envie d’adopter des animaux s’est démultipliée, entraînant une folle envolée des prix : au Royaume-Uni, par exemple, le prix des chiots des races les plus prisées a augmenté de plus de 100% entre juillet 2019 et juillet 2020, selon Allianz Global Investors. « Avec les confine-ments, les gens ont passé beau-coup plus de temps chez eux, parfois seuls, ce qui a boosté les ventes de l’industrie animale », confirme Christoph Wirtz.
Outre cet épiphénomène, plusieurs faits démographiques expliquent la pérennité et la bonne santé du secteur. D’abord, les jeunes générations, moins enclines que leurs aînées à faire des enfants, possèdent plus d’animaux de compagnie que les tranches d’âge plus élevées. Selon l’APPA, 32% des milléniaux américains (génération Y) ont un compagnon domestique, contre 27% parmi la génération X et 24% parmi les babyboomers. Plus souvent propriétaires d’animaux, les milléniaux sont également plus attachés à leur bête : aux États-Unis, 81% admettent préférer leur animal à un membre de leur famille, contre 76% pour les membres de la génération X et 77% des babyboomers.
« On observe une humanisation des animaux de compagnie, c’est-à-dire que leurs propriétaires les considèrent de plus en plus comme des membres de la famille. Ils sont donc prêts à tout faire pour eux : les soigner comme s’ils étaient leurs enfants, leur donner les meilleurs aliments pour qu’ils restent en bonne santé et vivent plus longtemps ou encore leur offrir des jouets », détaille Christoph Wirtz, Portfolio Manager chez Rothschild & Co. Selon une étude publiée par l’institut de sondage Ipsos en 2023, 97% des Français déclarent ainsi ressentir un attachement profond envers leur animal, 68% allant même jusqu’à le considérer comme un membre à part entière de leur famille. Résultat : les dépenses annuelles des ménages pour leur compagnon à quatre pattes s’envolent. D’après une étude de Morgan Stanley publiée en juillet 2024, elles devraient atteindre 1445 dollars par an et par animal d’ici à 2026 et 1733 dollars d’ici à 2030 aux États-Unis.
Un phénomène boosté par le vieillissement de la population. Si les personnes âgées possèdent moins d’animaux que les jeunes, elles dépensent beaucoup plus pour eux. Aux États-Unis, les seniors, qui ont des enfants adultes et disposent dès lors de revenus élevés, dépensent près de 60% de plus que les autres catégories de population pour leurs animaux de compagnie, selon Allianz Global Investors.
Si les États-Unis demeurent le plus grand marché au monde en matière d’animaux de compagnie, avec un chiffre d’affaires de 150,6 milliards de dollars attendus en 2024 par l’APPA contre 90,5 milliards en 2018, l’émergence de nouveaux marchés, en particulier la Chine, tire également les revenus du secteur vers le haut. Selon un article de Nikkei Asia, 75 millions de Chinois urbains possèdent désormais un chat ou un chien, soit 30% de plus qu’en 2018. Et ce n’est pas fini : d’après le cabinet chinois iiMedia Research, le marché des animaux de compagnie dans l’empire du Milieu devrait atteindre 161 milliards de dollars en 2028, contre 82,99 milliards en 2023, soit une augmentation de presque 100% attendue dans les cinq prochaines années.
For investors, the pet market is therefore attractive in many ways. “It has a good background; it is not very sensitive to economic cycles, and all indicators show that it will continue to grow over the next few years,” says Jack Neele, portfolio manager at Robeco. For Switzerland, home to one of the industry giants in Vevey on the shores of Lake Geneva, these forecasts give reason to rejoice. With its many pet food brands (including Purina and its Gourmet, Friskies and Felix lines), Nestlé is the world’s number one dog and cat food company, ahead of such behemoths as General Mills, Mars Inc., Archer Daniels Midland (ADM), The J.M. Smucker Company and Colgate-Palmolive.
Pour l’entreprise suisse, ce business est tout sauf anecdotique. En 2023, sa division « Produits pour animaux de compagnie » a généré 18,9 milliards de dollars, soit 20,3% du chiffre d’affaires total de l’entreprise contre 12,3% il y a dix ans, en 2013. Tous les acteurs de l’alimentation animale profitent de la premiumisation de l’offre. Les ventes d’aliments bio, sans sucre ajouté ou encore végans, qui affichent les marges les plus élevées, progressent rapidement tandis que les produits plus classiques voient leur part de marché reculer.
Néanmoins, pour les investisseurs souhaitant s’exposer au marché des animaux domestiques, miser sur ces géants ne constitue pas forcément la solution idéale. « L’alimentation des animaux est un vaste marché en croissance. Mais les leaders du secteur sont des entreprises également actives dans d’autres domaines, à l’image de Nestlé. Le business des animaux ne représente qu’environ 20% de leur chiffre d’affaires. Le cours de leur action est donc principalement influencé par d’autres facteurs, souligne Jack Neele. Pour profiter de la croissance du marché des animaux de compagnie, mieux vaut donc investir dans des pure players. » Et c’est surtout dans le secteur des soins que l’on trouve ce type d’acteurs, en particulier des pharmas et des medtechs.
BON MOMENT POUR INVESTIR
« Nous focalisons notre attention sur la santé animale qui nous semble un très bon investissement », poursuit Jack Neele. À l’image des entreprises américaines Zoetis et Idexx Laboratories, quelques pépites méconnues semblent en effet particulièrement attractives. « Le secteur de la santé animale est trop petit pour attirer les big pharmas comme Novartis ou Roche, mais aussi trop complexe pour que de nouveaux acteurs émergent facilement, explique Christoph Wirtz. Résultat : quelques acteurs comme Idexx, qui possède près de 60% du marché du diagnostic animal, dominent leur secteur avec de belles perspectives de croissance et peu de probabilités que des concurrents viennent rogner leur part de marché. »
Autre atout : le développement de médicaments vétérinaires est plus rapide et beaucoup moins coûteux que la mise au point de traitements pour les êtres humains, en raison de régulations moins drastiques. « Il faut trois à cinq ans et environ 100 millions de dollars d’investissement pour lancer un médicament dédié aux animaux, contre une dizaine d’années et plusieurs milliards pour un produit destiné aux humains, poursuit Christoph Wirtz. Le taux d’échecs lors des essais cliniques est également plus faible. »
Jack Neele, Portfolio Manager chez Robeco
D’après Jack Neele : « L’environnement concurrentiel pour investir dans la santé animale est bon. Avec la pandémie et l’explosion des ventes d’animaux de compagnie, les actions de ces entreprises se sont envolées. Depuis lors, le marché a trouvé un nouvel équilibre et les valorisations se sont normalisées », relève-t-il. Il s’agit donc d’un bon point d’entrée. À son acmé en juillet 2021, l’action Idexx Laboratories, par exemple, se négociait autour des 685 dollars, contre 425 aujourd’hui. Une majorité des analystes qui suivent le titre s’attendent désormais à un rebond. Et ce, d’autant plus que le secteur de l’assurance santé animalière se développe de plus en plus, avec des taux de pénétration qui dépassent désormais les 50%
dans certains pays comme la Suède. « Plus les gens souscrivent à des assurances santé pour leurs animaux, plus ils sont enclins à les amener chez le vétérinaire, souligne Jack Neele. La forte croissance de ce secteur va donc contribuer à tirer vers le haut les ventes des spécialistes de la santé animale. »
Une menace pourrait néanmoins poindre à l’horizon. Chiens et chats nuisent à la biodiversité et à l’environnement, ce qui a conduit plusieurs régions du monde à restreindre la liberté de ces animaux et donc, par ricochet, celle leur propriétaire. En Australie, par exemple, plusieurs localités ont instauré un couvrefeu et d’autres mesures restrictives pour les chats. D’autres pays réfléchissent à mettre en place des taxes sur les animaux de compagnie. Des limitations qui commencent à être discutées également aux États-Unis et en Europe.
De quoi freiner le marché des animaux domestiques ? « À une époque où la durabilité est devenue un enjeu majeur, il s’agit d’une question complexe, répond Jack Neele. Peut-être que posséder un animal a un impact négatif sur l’environnement, mais cela a également des effets positifs. Des études scientifiques montrent par exemple que les propriétaires d’animaux sont en meilleure santé que ceux qui n’en ont pas, notamment car ils passent en moyenne plus de temps à l’extérieur, à promener leur chien par exemple. »